L’Essex

Cet article a été publié il y a 11 ans. Son contenu est sans doute daté, tant sur la forme que sur le fond... Toutefois, cela n’empêche pas d'échanger à son propos. N'hésitez donc pas à vous exprimer en commentaires à la fin de l'article.

Avertissement : Cet article donne froid dans le dos. Vous lisez en connaissance de cause.

L’Essex était un baleinier anglais, un navire chasseur de baleine, dont l’huile était une denrée extrèmement recherchée au XIXème siècle. Il quitta le Royaume Uni sour le commandement de Georges Pollard, assité de Owen Chase et Matthew Joy, le 12 aout 1819.

La chasse à la baleine se pratiquait sur trois « baleinières », trois chaloupes manoeuvrées par 4 hommes aux avirons, 1 homme à la barre (chacun des trois précédement cités, à la tête d’une baleinière) et 1 homme au harpon.

Le 20 novembre 1820, l’Essex en est à la moitié de sa cargaison d’huile de baleine et compte 20 hommes d’équipage. Alors qu’il longe l’Equateur, le navire est attaqué par un cachalot. A deux reprises, l’énorme bête de 25m de long impacte le navire, qui commence à prendre l’eau de manière irrémédiable. Les marins ont juste de le temps de récupérer des vivres à bord des baleinières et de monter un mat sur chacune. Le capitaine Pollard, Chase et Joy prennent chacun la barre de l’une d’entre elles.

Alors qu’ils se trouvaient non loin des îles Marquises et des îles de la Société, ils prefèrent mettre cap au sud, ces îles étant redoutées pour leurs indigènes réputés cannibales.

Afin de ne pas mutuellement se ralentir, les baleinières ne sont pas amarées les unes aux autres et ont du mal à naviguer conjointement. Les ressources viennent vite à manquer malgrè le rationnement et les marins s’épuisent et se déshydratent.

Le 20 décembre 1820, ils abordent sur l’île Henderson. Ils y séjournent une semaine mais les maigres ressources de l’île sont rapidement épuisées. Trois hommes décident toutefois de rester sur place, tandis que les 17 autres repartent.

Les courants et le mauvais temps les fait largement dériver. Pollard perd peu à peu leur position.

Le 10 janvier 1821, Joy meurt. Son corps est livré à l’océan. Pollard confie la baleinière à un marin du nom de Hendricks. Le 12 janvier 1821, la baleinière de Chase est perdue de vue.

Sur la baleinière de Hendricks, les vivres viennent rapidement à manquer. L’équipage de Pollard partage leurs dernières ressources.

Le 20 janvier 1821, un des hommes de Hendricks meurt. Les rescapés affamés, déshydratés et épuisés décident de manger son cadavre. Ils le partagent avec l’équipage de Pollard. Dans la semaine qui suit, il en va de même pour trois hommes de plus. Leurs corps servent de nouveau de ressources aux survivants.

L’équipage de Pollard ne compte plus que 4 hommes, celui de Hendricks en compte 3.

Le 29 janvier, les deux équipages se perdent de vue.

Le 6 février, les hommes de Pollard sont de nouveau à l’article de la mort. L’équipage tire à la courte paille celui qui sera tué pour être mangé par les survivants.

Le 11 février, un nouveau décès naturel offre un ultime répis aux deux derniers survivants.

Le 29 février, le capitaine Pollard et le matelot restant sont secourrus par le navire « Le Dauphin ». On ne retrouvera jamais la baleinière de Hendricks.

Sur la chaloupe de Chase (perdue de vue le 12 janvier), le premier décès intervient le 20 janvier 1821 ; le corps est jeté à l’océan. Un second a lieu le 8 février 1821, son corps est mangé par l’équipage. Le 18 février, les trois rescapés sont sauvés par le navire « Indian ».

Le 10 mars 1821, le navire Surry appareille pour Sydney et accepte de faire un détour par l’île de Henderson. Le 9 avril 1821 il y retrouve les trois marins qui avaient choisi d’y rester, épuisés mais saufs.

Quelques decennies plus tard, le fils de Chase rencontrera un certain Herman Melville et lui remettra les écrits de son père. Melville s’en inspirera largement pour écrire son roman « Moby Dick ».

Les exemples de cannibalisme parmi les marins aux XVIIIe et XIXe siècles sont plus courrants qu’on ne pourrait le croire. Les recherches historiques indiquent même que les rescapés s’étant livré à ce genre d’extrèmités, en parlaient sans beaucoup plus de honte. Le célèbre « Radeau » de la Méduse est lui-aussi inspiré de faits similaires.

Une preuve que cela faisait partie de la culture populaire ? Je suppose que vous connaissez tous la comptine « Il était un petit navire » ? Je vous invite à en lire tous les couplets…

Il était un petit navire {x2}
Qui n’avait ja-ja-jamais navigué {x2}
Ohé ! Ohé !

Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots

Il partit pour un long voyage {x2}
Sur la mer Mé-Mé-Méditerranée {x2}
Ohé ! Ohé !

Au bout de cinq à six semaines, {x2}
Les vivres vin-vin-vinrent à manquer {x2}
Ohé ! Ohé !

On tira à la courte paille, {x2}
Pour savoir qui-qui-qui serait mangé, {x2}
Ohé ! Ohé !

Le sort tomba sur le plus jeune, {x2}
Qui n’avait ja-ja-jamais navigué {x2}
Ohé ! Ohé !

(…)

Pour information, la comptine, elle, se termine bien pour le mousse.

Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Essex_(baleinier)

Geek bordelais, féru de science, amoureux de technologies, mordu de SF, amateur de fantasy, épris de jeux en tous genre, adepte de réflexions diverses. Et j'aime le canard, aussi.

11 commentaires

  1. A retenir que dans le récit, les marins attendent toutefois d’être au bord de la mort pour arriver aux dernières extrémités: ils jettent les premiers morts par dessus bord.

    Je suis sûr que nous trouverions des ‘perles’, maintenant que nous sommes adultes, dans les contes pour enfants; qu’un enfant ne peut pas (encore) voir ou concevoir bien entendu.

  2. Tout à fait ! Je ne sais pas si vous avez déjà jeté un oeil aux contes de Grimm en version non « édulcorée », mais certains ont des passages assez ignobles. Un exemple : http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Conte_du_gen%C3%A9vrier
    Quoique là je pense qu’un enfant peut concevoir que c’est heu… beurk. C’est peut-être à lire le soir à un enfant qu’on n’aime pas pour l’empêcher de dormir ? Finalement les contes versions Disney c’est bien 😀

    Pour en revenir à l’Essex, la situation est assez ironique : « Alors qu’ils se trouvaient non loin des îles Marquises et des îles de la Société, ils prefèrent mettre cap au sud, ces îles étant redoutées pour leur indigènes réputés cannibales »

  3. Je ne sais pas ce que je trouve de pire dans le conte que tu donne, Eldermê, mais je donnerais une palme à la toute dernière phrase. La marâtre a tué l’enfant, mais le père ne le sait pas. Au final, l’enfant tue la marâtre, quasi devant le père, et le conte termine par :
    « Il les prend tous les deux par la main et tous les trois, joyeux, rentrent dans la maison, se mettent à table et mangent. »

    Le père, il vient de voir sa nouvelle femme se faire écraser par une meule lancée par un oiseau qui se transforme en son fils parti, mais non, pas de soucis, aller, c’est l’heure de manger XD

  4. C’est pour dédramatiser! Manger adoucit les moeurs, c’est bien connu… Attendez, je crois que je me trompe là!!!
    J’aime beaucoup ce récit.
    En plus, il y a le phénix!!!!
    Concrètement, la marâtre est possédée par le Malin, donc ce n’est pas vraiment sa faute, mais comme elle a succombé, elle mérite sa fin.
    Les cadeaux du petit sont là pour détourner l’attention du père et de sa demi-soeur. Pour moi, ça reste cohérent, on oublie tellement rapidement une personne odieuse, lorsqu’une personne adorable revient vers vous. 🙂

  5. J’ignore pourquoi, mais l’histoire des naufragés de l’Essex m’a véritablement choquée et émue. Ce sont les mots. D’où sa présence ici.

    @ JPeG:

    Il est certains que les contes contiennent nombre de messages adultes cachés. Le plus connu est sans doute le Petite Chaperon Rouge.

    @ Eldermê:

    Tout à fait ! C’est ce que me faisait remarquer le collègue qui m’a fait découvrir ce replis de l’Histoire (marin et féru d’histoire maritimes) : toute l’ironie de la situation est d’en arriver au cannibalisme précisément pour avoir voulu l’éviter. Notez qu’avec le recul d’aujourd’hui, ces îles étaient parfaitement sauves.

    @ Lyr & @ Eldermê:

    Oui, mais ils mangent quoi ??? La chair de la « première incarnation » du fils, qui était restée sur le feu tout ce temps ?! 😛

    @ JPeG:

    Jolie petite analyse. Je n’avais pas noté tout ça (mais il est vrai que j’ai lu le conte un peu vite).

  6. comme on dit : la faim justifie les moyens 🙂

    en plus , manque de nourriture + déshydratation = hallucination /démence
    un état « second » permet la transgression des tabous .
    je me rappelle de la une d’un fait divers  » un jeune drogué dévore le visage d’un sans domicile  » c’était aux Usa et le pire la victime est en vie au moment de l’agression .

    @ ekho : Les exemples de cannibalisme parmi les marins aux XVIIIe et XIXe siècles sont plus courrantes qu’on ne pourrait le croire

    dans des circonstances tragique , les individus font des choix abominable et cruel
    y’a rien de surprenant , l’instinct de survie est monstrueux .
    mais rassure toi le cannibalisme a disparu 😉
    si on ne compte pas les tueurs en série cannibale , les suicides planifié suivie d’une dégustation cannibale ou autre déviance …

    @ eldermé C’est peut-être à lire le soir à un enfant qu’on n’aime pas pour l’empêcher de dormir ?

    Les contes pour enfant sont tirés de faits divers .

    bonne nuit 😀

  7. « Avertissement : Cet article donne froid dans le dos. Vous lisez en connaissance de cause. »

    si tu savais le nombre de malade mentaux sans surveillance adaptées dans les rues …
    là , t’aurais froid dans le dos 😀

  8. @ cannabis:

    Pas forcément. Un malade mental est un malade. Dans le cas des naufragés de l’Essex (et plus généralement, comme tu le dis, dans des cas de situations au delàa de l’extrème), il s’agit de personnes a priori aussi saines que toi et moi.

  9. Hum…
    @cannabis… »@ ekho : Les exemples de cannibalisme parmi les marins aux XVIIIe et XIXe siècles sont plus courrantes qu’on ne pourrait le croire

    dans des circonstances tragique , les individus font des choix abominable et cruel
    y’a rien de surprenant , l’instinct de survie est monstrueux .
    mais rassure toi le cannibalisme a disparu 😉
    si on ne compte pas les tueurs en série cannibale , les suicides planifié suivie d’une dégustation cannibale ou autre déviance … »
    Vous oubliez donc le crash des Andes?
    L’équipe de sportifs qui pour survivre, se sont nourris des cadavres de leurs potes.. Je crois que quand on veut survivre on bouffe du rat, son chien ou de la chair humaine.
    Le cousin du capitaine (si je me souviens bien plutôt jeune) que l’on tua pour être dévoré, a eu en fait le choix. Il préféra cette mort rapide. c’est un suicide en fait.

  10. je fais un clin d\’oeil exprès … mais je connais pas trop le sujet , mis a part des articles de presse dans les faits divers que j\’ai lu ici ou là

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